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EMMA'GINATION

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6 octobre 2009

Il lui dit qu’il restera. Qu’elle n’avait pas à

Il lui dit qu’il restera. Qu’elle n’avait pas à le choisir, tout juste à l’accepter. Qu’il demeurerait derrière, dans l’ombre des apparences, dans quelque endroit commun au rêve et au souvenir, dans la chambre du monde réconcilié.

Il lui dit que deux âmes blessées fondaient un presque corps.

Que deux errances pouvaient tracer quelque chose d’un parcours. D’un itinéraire. D’une quête.

Il lui dit qu’il l’accompagnerait : de la peur de perdre à la perte de la peur.

Il lui dit qu’ils prendraient soin ensemble de leur manque. Car tel est le lot de chacun. La plaie. Le trou béant qui fait de vivre ce merveilleux désir.

Elle avait connu trop d’adieux : il la rencontrerait cent fois le jour. Elle avait respiré trop de nuits : il tirerait sur la robe de l’aube, pour que la soie de soleil couvre son sourire et le ranime de lumière. Elle avait épousé trop de solitudes : il ferait de leur vie un peuple, de leurs peaux un territoire, de leur amour une immensité bleue.

Il lui dit que vivre c’est se risquer. Que chaque pas dépose sa fragilité. Que c’est l’empreinte qui fait la force. La marque de l’histoire. Le sceau de soi. La vie subjective, seule à être vie.

Puis il se tait. Il ne parle plus. Il écoute.

Les soupirs ailés de ce voyage.

La beauté de ce jour paré de son corps.

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5 octobre 2009

les rêves de femmes

Les rêves des femmes ont le silence des îles pour abri. Parce qu’ils y voient plus clair. Parce qu’ils y voient plus loin. Armés de vent, ils tournent comme des girouettes, légués au soleil. Ce qu’elles ont quitté, ce qu’elles ont tenté de fuir, s’éparpille dans l’air.

Rassemblées de leurs songes, elles deviennent la mémoire épousée de leur manque.

Une complétude sereine, un être fait de ports et de gares, de souvenirs et d’attentes, qui espère encore de vivre.

3 octobre 2009

la musique de la vie

Je monte et descends les marches de ma vie comme le piano monte et descend ses gammes. Tour à tour sereine et inquiète, dans la douce gravité du monde. Ma main droite sait les ivresses, s’empresse et s’enroule autour des rayons de lune, pour écrire la nuit sur la peau du jour, comme enfant sur l’écorce, les initiales de ceux qui s’aiment. Ma main gauche réunit les silences, et fait un rythme de sa mélancolie, une cadence, quelque chose d’un oubli. Je monte et descends les marches de ma vie, comme le pouls de ce prélude sous la peau de Bach, me dit de poursuivre…

2 octobre 2009

Il faut dire aurevoir à ce que l'on aime

Il faut dire au revoir à ce qu’on aime. Accompagner de mots, le voyage. Laisser une chance, à la tristesse, de rendre possible demain. S’attacher à la lumière d’un port, au détail d’un visage. S’accrocher à un dernier regard, empocher sa fraternité, et repartir riches de ce que nous avons laissé… Il faut dire au revoir à ce qu’on aime. Parler tout bas de ce qu’on a lu dans les feuilles des arbres, de la fresque que l’écume a glissé sous nos rêves et qui ressemble à nos enfances, de ce qu’on a traduit du silence… Laisser l’espace, le lieu en soi, le quai bâti de nos imaginaires, la berge inventée de nos espoirs, jeter l’ancre comme on couve une caresse… Il faut dire au revoir à ce qu’on aime. Ecrire : s’offrir à la trace. S’encrer un peu de ce ciel sous la peau. Rassembler l’histoire sous les paupières à faire de la mémoire. Se voir heureux que les lieux aient des prénoms, des alliances, des nuits à deux. Retrouver ce point de l’horizon qui distingue l’au revoir de l’adieu…

1 octobre 2009

Au coin de cette rue

Au coin de cette rue, tu passais comme passent les hasards. Le pas frivole et l’âme lointaine. Revenu des profondeurs et des perspectives. Le nez au chaud, caché dans l’étole de ta solitude, sans plus de croyance en l’instant qui naît qu’en l’histoire qui vient de finir. Sur tes pas, l’aube dévêtue de son brouillard, le visage des hommes défaits de leur ennui, le monde exilé de son lit. Au coin de cette rue, j’étais en retard. Alors j’ai posé mes pas dans tes traces. Suis advenue de ton voyage. Comme celle qui écrit, consigne sa petitesse dans la démesure d’empreintes trop vastes. Comme celle qui aime, n’a plus peur des hauteurs, et tient le ciel à portée de main. J’ai marché sans me presser, poursuivie de mon regard. Je te savais en avance sur mes retards. Au coin de cette rue, tu partais comme partent les hasards, la main lourde de bagages. Tes lèvres disaient à demain quand tes yeux déjà, contemplaient le spectacle d’hier. Et j’ai vu les larmes que tu ne savais pas pleurer. Et j’ai senti le temps devenir mémoire. Et j’ai vu les regrets qu’il nous faudrait habiter. Ces nouveaux instants à broder sur notre peau de deuils. Au coin de cette rue, tu mourrais comme meurent les hasards. Et moi de survivre dans tes traces, toute petite, contre l’oubli, écrire, demeurer en retard.

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30 septembre 2009

L'embarcadère (1)

J’avançais sur l’embarcadère, d’abord à pas lents, comme font les hésitants, puis à pas lourds, à pas encrés, d’une lenteur devenue assurance, emportée comme une note vers l’évidence de sa propre justesse ; j’étais de celles qui se retournent, j’ai toujours été de celles qui se retournent, la route qui se perd devant moi et cherche mon ombre et transpire de chaleur pour que mes pas se collent et s’enchaînent à l’asphalte a toujours été pour moi une énigme, une équation et je n’ai que faire de la résoudre au regard de la saveur que me procurent ses inconnues ; entendu que les lendemains sont des machines à recomposer l’histoire, je soigne et tisse et trace le fil de ces mémoires qui nous font ressembler à quelque chose d’un être, locataires d’une quelqu’une vie.

30 septembre 2009

L'embarcadère (2)

J’avançais sur l’embarcadère, d’abord à pas lents, comme font les hésitants, puis à pas lourds, à pas encrés, je devenais l’absente de ma propre histoire, celle qui s’éloigne d’elle-même, se retranche de ce qui l’a bâtie et qui ne lui appartient plus, sur la berge j’avais croisé un vieux monsieur prolongé d’une longue gabardine noire, un beau vieillard, de ceux qui portent en eux l’élégance de leur souvenirs, je l’avais fixé minutieusement et déposé dans son regard toutes mes valises : des chemins, des visages, des paroles, des regrets, des sourires, des silhouettes, des paysages, une rivière, des soleils couchants, des prénoms, des voyages, des langues, des baisers, des disputes, des soirs de mal de vivre, des nuits d’étreintes, des matins de trop, mes masques, mes dénuements, mes ambitions secrètes, mes rendez-vous manqués, mes peurs enfouies, mes renoncements, le déclin de mes absolus, la résistance des idéaux, des batailles, des certitudes, des doutes, toutes ces choses revêtues de leurs contraires, et puis mes mots pour les dire, mes silences pour les taire, mes yeux pour les porter, mon corps pour les trahir, et toute l’insuffisance des jours à les vivre : c’est fou ce que l’on peut déposer de soi dans le regard d’un étranger, mais il avait de ces yeux là, capables d’accueillir les bouteilles que les femmes un jour, jettent à la mer, ne gardant du flot que la virginité de l’écume. J’avançais sur l’embarcadère, d’abord à pas lents, comme font les hésitants, puis à pas lourds, à pas encrés, je devenais l’absente et j’étais plus que jamais présente à cette vie qui m’emplissait, me tremblait, me débordait, saisie de couleurs, parcourue d’émotions, empreinte d’infinis bleus, habitant la temporalité mauve du poème de vivre.

30 septembre 2009

L'embarcadère (3)

J’avançais sur l’embarcadère, d’abord à pas lents, comme font les hésitants, puis à pas lourds, à pas encrés, l’instant devenait mon seul contexte, et pesait plus de poids sur mon existence que toutes les décisions desquelles j’avais tout au long de ma vie cru choisir les incidences, je parlais à l’absent, à la fuite, au mouvement, à l’abandon et à l’errance, à l’inconnu foulé de mes pas, l’horizon s’écrivait dans mes yeux sans besoin de mot, sans nécessité de moi, le monde vivait sans que je n’essaie de le posséder, nu de mon nu, dépucelé de mon emprise et de cet effort vain à le traduire, je rejoignais la vie qui me ressemble, ne cherchant plus dans quel imaginaire rencontrer son visage ni dans quelle rue croiser son rêve, c’était comme l’envol d’hirondelles, le retour des soleils migrateurs, de petits pointillés blancs, la promesse des îles sous le pli de leurs ailes, c’était de cette vie qui conjure le sort et provoque les cieux sous lesquels si souvent on se laisse aller à n’être que trop tôt morts, c’était l’enfance réinventée sur les lèvres du temps, le tendre éclat, la douce fossette, de ceux qui n’ont plus d’âge, c’était de l’amour arraché à l’arrogance, C’était demain, ce sera hier, j’avance sur l’embarcadère, à pas lents, et je te rejoins mon amour, comme une note vers l’évidence de sa propre justesse.

29 septembre 2009

Quelque part

Un désert blanc où s’entremêlent des ombres, au rythme des jachères de l’âme, où se repeuple le monde. Un coin de ciel où la vie dispute avec l’au-delà, son droit de passage sur le corps des hommes. Au départ, vous passez par des lieux inhabités de vous. Il faut endurer la soif, le froid, le silence la sécheresse. C’est le manque qui crée en nous toute chose encore debout. Abonder, c’est perdre. C’est ainsi et l’époque court à sa perte. Il faut creuser beaucoup pour toucher à l’enfoui. Vous piller du superflu. Puis creuser encore, refaire le chemin des centaines de soirs durant. Un pays, un endroit où répondre de sa vraie présence, où laisser à nu ce qui se cache sous l’épiderme, cette moelle de solitude et d’égarements. Un pays qui aie le courage de l’océan, sa vigueur à assumer sa mélancolie, qui dépose et replie sans fin sur la grève, son corps de mémoire. Un pays qui vous invente et vous reprend comme la vague. C’est un territoire habité de visages, parsemé d’instants, où chaque rencontre participe de sa conquête. C’est un jardin où semer ses émotions, et les récolter en perles de soi. Quelqu’endroit où se réinventer d’un tremblement de verbe, où broder nos enfances jusqu’à n’en plus jamais finir de les relier aux fantômes que nous sommes devenus depuis. C’est la démesure d’un empire bâti de nos plus infimes dimensions. L’élan humain fait de langueur et de passion. C’est un pays où l’on ne va pas par habitude. Mais que l’on retrouve par nécessité, les yeux grands ouverts sur l’énigme de l'instant. Nul n’en connaît le chemin. C’est à l’horizon d’une errance, au détour d’un rêve, là tout au bout de la jetée, par où reconnaître ce ciel mêlé d’infini.

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